L’écriture inclusive en communication externe: la liberté de choisir pour mieux inclure.

L’écriture inclusive en communication externe: la liberté de choisir pour mieux inclure.

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Les organisations qui souhaitent communiquer de façon inclusive se poseront inévitablement un jour la question de l’écriture inclusive. Chez Cartoonbase, nous n’avons pas fait exception. Nos débats ont conduit à la conclusion que la démarche la plus inclusive était finalement celle qui offrait le plus grand choix de moyens pour servir notre objectif commun: l’inclusion. Autrement dit, pour nos projets, nous respectons les préférences de nos clients. Mais pour notre communication externe, celui ou celle qui écrit choisit.

Retour sur la réflexion que nous avons menée en interne, retranscrite à plusieurs mains.

L’écriture inclusive, c’est quoi ?

Qu’est-ce que l’on désigne au juste par « écriture inclusive » ? Un « ensemble de règles et de pratiques qui cherchent à éviter toute discrimination par l’écriture », selon le Wiktionnaire.

Quelle(s) discrimination(s) ? Essentiellement les discriminations basées sur le genre. Selon le guide du Réseau fédéral de la Diversité belge, « l’écriture inclusive vise à ouvrir notre perception du monde et à établir (rétablir ?) des relations plus justes et équitables entre les genres. » Cette approche de l’inclusion par l’écriture repose sur l’hypothèse qu’une présence plus appuyée du féminin dans le langage contribue à faire évoluer les représentations dans la société.

Les principes de l’écriture inclusive

Que demande l’écriture inclusive ? Principalement, de rendre explicite les formes féminines, lorsque l’on ne s’adresse pas exclusivement à des hommes.

Tout d’abord, il s’agit de renoncer au masculin générique, ce qui peut se traduire par :

  • l’utilisation systématique du masculin et du féminin : « les acteurs et les actrices du changement » ;
  • l’utilisation un point médian : « les employé.e.s » ;
  • l’utilisation d’un point ou astérisque final : « les médiateurs.trices » ou « médiateurs*rices » ;
  • l’utilisation d’une barre oblique : « les conseillers/ères » ;
  • l’utilisation de termes épicènes : « les personnes participant au colloque » ; ou encore
  • l’alternance aléatoire entre le masculin et le féminin lorsque le contexte le permet, p. ex. en désignant des personnages abstraits : « tel professeur, telle formatrice », « en tant qu’étudiante, par exemple, … ».

Ensuite, l’écriture inclusive exige d’abandonner la primauté du masculin sur le féminin dans les accords de genre. Cet accord est remplacé

  • soit par l’utilisation de points médians : « des hommes et des femmes sont parti·e·s / partis.es /… » ;
  • soit par l’utilisation de l’accord de proximité, basé sur le dernier terme dans la liste : « des hommes et des femmes sont parties ».

Elle invite aussi à la (re)féminisation de certains noms de métiers : « écrivaine », « avocate ».

Certaines revendications vont plus loin en appelant à reconsidérer d’autres conventions et expressions : « ça pleut », « c’est belle », « rendre femmage ».

Bien que le débat actuel porte en principe sur l’écriture, il s’agit dans la pratique de considérer le langage à tous les niveaux, y compris à l’oral. Ainsi, le langage inclusif implique des règles et des conventions supplémentaires. Dans notre métier, celles-ci forment un point d’attention particulier : des « participant.e.s » mentionnés dans un script vidéo par exemple deviendront des « participantes et des participants » et non des « participantes » dans la voix off.

Il faut noter que la discussion sur le langage inclusif n’est pas limitée à la féminisation. La question de la représentation des identités non binaires se trouve aujourd’hui régulièrement au centre des débats, avec d’autres règles et points d’attention : l’utilisation de pronoms comme « iel » par exemple, de noms comme « toncle », ou encore l’omission de « Monsieur » ou de « Madame ».

Enfin, soulignons que le débat n’est pas limité à la langue française, évidemment. Les règles et adaptations proposées varient selon la grammaire et le contexte culturel : en anglais, par exemple, la question de l’accord de genre ne se pose pas ; en revanche, le terme « Ms » a largement supplanté « Mrs » et « Miss » depuis de nombreuses années, éliminant ainsi une distinction qui n’existe pas du côté masculin.

L’écriture inclusive exclurait-elle ?

Pourquoi même ceux qui s’accordent sur la nécessité d’une meilleure inclusion de tous divergent quant aux moyens linguistiques d’y parvenir ?

Les détracteurs de l’écriture inclusive pointent le risque de passer à côté de l’objectif, voire de tomber dans d’autres formes d’exclusion.

Voici un aperçu des principaux points d’achoppement qui ont surgi de nos discussions chez Cartoonbase.

Les questions qui font débat

La fonctionnalité

L’écriture inclusive rend la langue plus complexe, plus longue et plus alambiquée.

Concrètement, il s’agit d’une perte de qualité qui risque d’impacter négativement les fonctions du langage (p. ex., capter l’attention, se faire comprendre) dans certains contextes.

Si on considère qu’il s’agit là d’un mal nécessaire, cela veut dire qu’on est prêt à accepter cet impact négatif parce qu’on estime que la démarche inclusive est à ce prix.

L’apprentissage et la maîtrise

L’écriture inclusive rend la langue moins accessible pour de nombreuses personnes atteintes d’un trouble de l’apprentissage ou en situation de handicap.

La maîtrise de la langue écrite est un outil d’inclusion primordial. Et elle représente un défi de taille : en France par exemple, près d’un jeune sur dix est en difficulté de lecture. Les règles complexes de l’écriture inclusive risquent d’aggraver ces difficultés.

De plus, en gênant le fonctionnement de logiciels de lecture vocale, ou en créant des défis supplémentaires pour les personnes dyslexiques, par exemple, l’écriture inclusive met la barre encore plus haut pour des personnes déjà confrontées à des formes d’exclusion.

La binarité

L’écriture inclusive remet en question la place des identités non binaires dans le langage.

Car en renonçant au masculin générique, elle renonce aussi au générique tout court. La représentation des identités non binaires doit alors passer par la généralisation de l’utilisation de néologismes – car si le mot « participants » n’est supposé représenter que les participants masculins, un groupe de « participantes et de participants » est forcément composé de personnes binaires.

Les représentations mentales

Les personnes qui défendent l’écriture inclusive partent du principe qu’une représentation plus explicite sur le plan linguistique induira un changement des représentations mentales qui conduira, à terme, à une meilleure représentation dans la société.

La langue façonne la pensée, et la pensée façonne la langue : de nombreux scientifiques, philosophes (et membres de notre équipe) s’accordent là-dessus.

Mais les conclusions à en tirer ne sont pas évidentes pour autant.

Par exemple, on pourrait très bien considérer que les femmes jouissent d’un privilège : contrairement aux hommes, elles disposent d’une forme grammaticale qui permet de s’adresser uniquement à elles. Si on ne cite jamais cette forme privilégiée comme un outil d’exclusion des hommes, c’est en raison d’une culture de domination existant par ailleurs et dans laquelle ces derniers ont le bon rôle.

Par ailleurs, lorsqu’on parle d’un « groupe d’experts », bon nombre d’entre nous auront tendance à imaginer des hommes plutôt que des femmes. Mais est-ce lié au fameux « masculin qui l’emporte » grammaticalement, ou au fait qu’on ne voit encore que trop rarement des expertes féminines sur les plateaux télé ? S’il s’agit d’une question de visibilité dans les faits, est-ce qu’une visibilisation dans le langage peut faire la différence ? Oui, non, peut-être ?

Enfin, selon certaines personnes, le renvoi constant à la distinction entre les sexes risque de centrer l’attention de façon démesurée sur les différences supposées entre eux.

En conclusion, une grande partie des efforts pour l’inclusion se focalise sur des gestes et des symboles dont les effets bénéfiques pour les femmes restent à démontrer.

Mener une réflexion en équipe

Alors, le jeu en vaut-il la chandelle ? Tant qu’il existera des préférences quant à la manière dont on souhaite qu’on s’adresse à nous, il ne peut y avoir de réponse unique. La meilleure façon de parler à tout le monde n’existe pas.

Dans la pratique, l’existence même du débat médiatisé impacte nos choix. Car à moins de pouvoir assortir son texte d’un avertissement, les supports de communication à notre disposition ne nous donnent pas l’occasion de justifier notre position. Ainsi, nombreuses sont les personnes qui adoptent l’écriture inclusive simplement pour ne laisser aucun doute sur leur volonté d’inclure.

Communiquer de façon inclusive, c’est se poser la question de savoir à qui on s’adresse, écouter son public et déployer les moyens de le toucher dans toute sa diversité.

Concrètement, pour choisir la forme d’écriture qui convient le mieux, il peut être utile de se poser les questions suivantes :

  • Quels sont les publics visés ?
  • Que savons-nous d’eux ? De leurs défis, de leurs sensibilités ? Pouvons-nous les inclure dans le débat pour en savoir plus ?
  • Quels sont les buts prioritaires de notre communication ?
  • Comment nous positionnons-nous personnellement par rapport à chacune des questions qui font débat ? Quelles conclusions faut-il en tirer ?
  • Dans le contexte dans lequel nous nous exprimons, est-ce la priorité d’éliminer tout doute possible par rapport à nos intentions ?

Cette démarche peut permettre de déterminer si l’utilisation de l’écriture inclusive est pertinente, et quelle forme convient le mieux à vos objectifs. Ces choix peuvent différer d’un contexte à l’autre, et d’une personne à l’autre.

En tant qu’agence de communication, nous nous alignons sur les préférences, priorités et pratiques de nos clients, et celles de leurs publics. En revanche, lorsque nous nous exprimons au nom de Cartoonbase, ce sont celles de nos équipes et de nos publics qui déterminent la forme d’écriture, au cas par cas. Dans ce dernier cas, nous avons deux règles pour guide : 1) la sincérité de notre intention en faveur de l’inclusion et 2) la cohérence à l’intérieur d’un même écrit. Et le style de cet article, nous demanderez-vous ? Exceptionnellement, sa cohérence tient dans le fond, plutôt que dans la forme : il reflète le nombre de mains qui ont contribué à son écriture.

Nous l’avons vu chez Cartoonbase : une réflexion et des discussions approfondies sur ces questions conduiront chacun et chacune à des conclusions différentes. Et nous pensons que c’est très bien ainsi. La diversité et l’inclusion s’expriment de multiples façons – dans le langage comme ailleurs.

Essayez nos outils pour une communication inclusive